2 novembre 1995

Dans un hôpital perdu au milieu de nul part, une femme criait et a=haletait, son visage devenu livide trempé de sueur. Elle tentait de toutes ses forces, de faire naître son fils et sa fille, les enfants pour lesquels elle avait fait tant de sacrifice et qu'elle aimait déjà. Quand ses efforts aboutirent enfin, le médecin se tenait près et agrippa immédiatement le nouveau-né qui battait des pieds, son petit visage tordu par des pleurs. Le médecin se figea alors, son regard sévère se dirigeant lentement vers le jeune père. Il tendit le bébé à une infirmière qui se tenait non loin et se dirigea vers l'homme.

- J'ai à vous parler, dit-il d'une voix grave.
- Euuh... D'accord, répondit l'intéressé, son sourire disparaissant immédiatement.

Ils disparurent, et quand le nouveau père revint, son visage était triste. Il se trouvait désormais dans un cul de sac, et sa décision était une question de vie et de mort.

Un enfant fut amené à l'hôpital, son père suivant de père, seul. Sa femme, trop fragile pour tenir le coup, avait préféré rester chez eux et pleurer. Évidement, s'il l'avait pu, il aurait fait de même. Seulement il ne pouvait pas. Il resta donc dans la salle d'attente, effectuant des demis-tours en se tordant les mains, son esprit remplis d'anxiété. il avait même peur. Extrêmement peur de ce qui allait se passer. Finalement, quelqu'un lui demanda de s'asseoir, et il lui obéit, les yeux dans le vague et les lèvre serrés.
Un peu après, un médecin vint le voir, lui annonçant que tout s'était bien passé. Il tenait dans ses bras une petite fille. Seule. Pour la première fois depuis longtemps, il se permit un sourire. Sa fille adorée était enfin débarrassé de son jumeau, qui lui pompait la vie lentement, l'empêchant de respirer correctement.
Jael repartit donc son enfant dans les bras, mais la culpabilité emplissant son cerveau. S'ils n'avaient eu aussi peur que le moindre examen un minimum approfondi ne révèle aux médecins qu'elle était une sorcière, ils auraient dû que tout ne se déroulait pas comme prévu. Que leurs enfants étaient des siamois du ventre.

20 juin 2000

Tamelia courait en rigolant, savourant le vent dans ses cheveux. Une immense sourire ornait son petit visage d'ange. Derrière elle, gambadait son chien, qui la suivait toujours partout où elle allait, comme un parfait garde du corps. Du moins un garde du corps assez fainéant, car il finit par faire demi-tour, rentrant dans la maison la queue entre les pattes. Mais cela, Tamelia ne l'avait pas vu, et continuait donc, insensible aux dangers qui guettaient une petite fille de cinq ans, dans une ville aussi grande. Justement, au moment où elle atteignit cette dernière, elle cessa de courir, les yeux attirés vers les étalages arborant toutes sortes de merveilles. Habitant dans la campagne, elle n'avait jamais pu assister au marché, ce n'était pas faute de l'avoir rêver. Pourtant, ce jour-la, elle avait trouvé le courage de faire une fugue et pouvait donc y aller. A vrai dire, les conséquences de cette escapade n'avaient jamais effleuré son esprit, pour elle rien ne comptait à part ces stands aussi fascinants que magnifiques. Elle déambulait donc dans les rue,s admirant les bijoux, statuettes, fruits, légumes... Tout ce qu'elle pouvait admirer en fait. Seulement, tout à son émerveillement, elle ne remarqua pas qu'elle prenait une rue presque déserte avec peu d'étalages. Quand elle s'en rendit compte, elle prit peur et voulut faire demi-tour, mais deux hommes l'en empêchaient, un sourire cruel plaqué sur leur visage. Tamelia recula, les yeux ronds de frayeurs. Qu'allaient-ils faire ?

" Mais te découper en rondelles bien sûr ! Puis te dévorer au petit-déjeuner... "

Elle sursauta et regarda à droite et à gauche, tentant de repérer la personne qui venait de parler.

" Bon, un petit conseil... Fuis, si tu tiens à ta peau. "

Tamelia se mordit la lèvre, des larmes coulant sur son visage livide. A force d'avoir entendu de nombreuses histoires sur des jeunes filles torturées, puis abandonner négligemment dans un lac, elle savait qu'elle avait raison d'être aussi terrifiée. Mais même ce mot ne convenait pas à son état d'esprit du moment; Finalement, après un hésitation de quelques seconde,s elle décida d'écouter la voix et détala de l'autre côté, s'enfonçant encore plus dans les ruelles sombres et effrayantes. Elle commençait à désespérer de rejoindre le marché, quand elle aperçut une lueur à l'horizon. Dans un dernier élan, elle y courut, mais ses jambes cédèrent avant qu'elle n'y arrive. Elle rampa donc pitoyablement, puis se cacha derrière une poubelle et laissa sortir sa tristesse et sa peur. Quelques minutes après,une pensée survint dans son esprit, lui faisant par la même occasion, oublié temporairement cet incident.

- Qui... Qui es-tu ? demanda-t-elle timidement.

Silence. Mais finalement, peu de temps après, la voix revint :

" C'est à moi que tu parles ? "

Tamelia sursauta, puis ferma les yeux en gémissant. Qu'est-ce qui se passait ? Qui était-ce ? Elle avait l'impression de devenir folle. Après tout, n'est-ce pas les fous qui entendent des voix ? Elle avala lentement sa salive, puis releva les paupières et observa un instant ce qui se passait autour d'elle, essuyant ses larmes d'une main. Finalement, elle laissa tomber son masque de frayeur et réveilla son côté fantasque, celui qui rêvait de magie nuit et jour.

- Comment... T'appelles-tu ?
" Luka, mais tu veux un autre petit conseil ? "
- Euh... Oui ?
" Pense très fort au lieu de parler à voix haute, sinon tu finiras à l'asile."

Elle hésita, se demandant si elle n'imaginait pas toute cette scène. Après tout, elle adorait les films de fantastiques et ça avait pu déteindre sur sa manière de penser. Mais elle avait envie de croire à cette voix, envie qu'elle existe réellement. Elle poussa un infime soupir, se concentra à fond, puis se lança :

" Comme... ça ?
C'est mieux, mais tu viens de crier, alors vas-y mollo la prochain fois.
Et là ?
C'est pire, tu chuchotes maintenant."

Et cette discussion continua ainsi un long moment, jusqu'à ce que Tamelia décida de rentrer chez elle, après avoir promis à Luka de ne parler de lui à personne.

Tamelia dessinait tranquillement dans sa chambre, faisant courir la mine de con crayon sur le papier anciennement blanc. Elle adorait faire cela et encore plus pouvoir admirer ce qu'elle avait tracé sur le papier, une fois son travail fini. D'ailleurs, elle avait presque terminé, à son plus grand ravissement. Elle se leva, pour aller chercher ses pastels, puis retourna à sa place, quand brusquement :

" Attention !"

Elle sursauta, poussant un petit cri tant elle ne s'y attendait pas. Elle se retourna et eut juste le temps d'apercevoir une pie lui foncer dessus. Instinctivement, elle se cacha la tête avec les mains et se prépara à souffrir, les larmes aux yeux, mais la bête ne lui fit rien, se contentant de se poser sur son épaule et se se frotter contre son cou. Elle attendit quelques minutes, craignant qu'il ne l'agresse brusquement, seulement il n'y fit rien. Au bout d'un moment, elle retira ses mains et observa l'oiseau, qui la regardait également. Elle eut un petit sourire et se releva doucement, évitant de faire des gestes trop brusques, pour ne pas lui faire peur. Ensuite, elle se dirigea lentement vers l'escalier, qu'elle descendit avec autant de prudence. L'oiseau toujours sur son épaule, était en train de se placer correctement, le bec toujours coller contre son cou. Certes il ne semblait pas lui vouloir de mal, mai elle craignait quand même le pire. Après tout, on ne peut pas se fier à ces bêtes là.

- Maman ! Papa ! appela-t-elle une fois dans le salon.

Ceux-ci arrivèrent quelques instants plus tard et leurs regards se dirigèrent instinctivement sur l'épaule de leur fille.

- Papa, maman, dit-elle en les regardant fixement. Je sais pas ce qui se passe mais...

Sa mère se mordit al lèvre, les yeux remplis de culpabilité. Qu'avait-elle donc fait ? Tamelia ne se trompait pas quand à l'implication de ses parents dans ces évènements étranges ?

- Écoute ma puce, l'amadoua-t-elle. Il faut qu'on te dise quelque chose.

Puis elle commença son histoire, racontant à sa fille qu'elle était une sorcière et qu'à cause de cela, Tamelia l'était aussi. Bien sûr, au début, Tamelia ne la crut pas, se bornant à éclater de rire, croyant que sa mère lui faisait une blague - mais certes de mauvais goût. Finalement, quand elle reprit son sérieux, la peur la retrouva. Sorcière ? Impossible, c'était tout bonnement impossible ! A cette époque, elle voyait cela comme une sorte de maladie incurable. A force de supplication, sa mère finit par lui ouvrir les yeux sur sa situation. Tamelia, aussi fascinée qu'horrifiée, accepta enfin sa situation, mais non sans avoir quelque peu râler avant. Ensuite, sa mère changea de sujet pour aborder les pouvoirs, lui expliquant que chaque sorcière pouvait bénéficier de trois pouvoirs différents et lui demanda de lui raconter tous les évènements étranges dont elle avait été victime. La jeune fille chercha, puis pointa du menton le volatile sur son épaule.

- Il n'est pas le seul... Beaucoup d'animaux se conduisent à peu près comme lui... C'est normal ? Aussi... Je ne sais pas si c'est à cause de ça, mais la semaine dernière on a fait une séance de spiritisme chez Kaelia et... Apparemment il s'est passé quelque chose de pas normal, mais je ne me souviens plus de rien.

Sa mère, les yeux grand ouverts de surprise, lui prit la main et la serra très fort.

- Oh ma puce, chuchota-t-elle. Promets-moi... Promets-moi de ne plus jamais le faire, c'est d'accord ? Plus jamais !

Tamelia hocha la tête, se demandant pourquoi sa mère réagissait ainsi. Puis une idée lui traversa l'esprit. Et si elle lui parlait de Luka ?

"T'as dit que tu ne parlerais de moi à personne... Tu as donc menti ?
Mais... Mais c'est maman, elle ne te fera rien.
Que tu dis ! Mais fais comme tu veux... Après tout, tu dois toi aussi vouloir te débarrasser de moi..."

Le ton tellement mélancolique de sa voix fit monter les larmes aux yeux de Tamelia, qui prit une décision. Après tout il avait raison, une promesse était une promesse, et elle ne voulait pas la rompre de cette manière. Pas alors qu'elle commençait à l'apprécier.Elle décida donc qu'elle ne dirait rien à aucun de ses parents.